Un tour du monde, ça ne se termine pas toujours comme on l’aurait cru. D’abord, on décolle vers ailleurs, les choses se passent bien. Tout roule si parfaitement qu’on se voit déjà voyager quelques mois supplémentaires.
Puis un évènement vous descend de votre nuage et vous arrache brutalement de ce bonheur dans lequel vous baignez. Suffis d’un coup de téléphone et tout bascule. Machinalement, vous faites votre valise pour revenir d’urgence à la maison. Aussi vite que possible, dans l’espoir de dire ce précieux au revoir.
Je ne me suis jamais sentie aussi petite et vulnérable que dans ce retour interminable. Du haut des airs, je parlais à mon père, je lui ai dit 2000 fois de m’attendre, j’ai prié et je n’ai même pas ronchonné quand nous avons eu des turbulences, moi qui ai toujours eu une peur bleue des avions.
Non, quand on planifie un tour du monde, on ne pense pas que son père peut mourir en moins de 12 heures. On pense au départ, on pense à sa sécurité, à faire ses vaccins, à ne pas attraper la malaria, à son itinéraire, mais on ne pense pas que tout peut chuter. Non, car on croit avoir pensé à tout…
Mon père aimait ce blogue. Même si nous n’avions qu’une moyenne de 20 ou de 40 lecteurs par jour, je m’en fichais, car papa lui le lisait. Il me demandait souvent quand allait paraître le nouvel article. Il trouvait que je n’étais pas rapide à les écrire ! Il avait probablement raison, mais quand on voyage on perd la notion du temps. Il commentait régulièrement mes photos, ça nous donnait un prétexte pour se parler. C’est con à dire, mais c’est probablement ce tour du monde qui nous a le plus rapprochés, et ce, même si parfois nous étions à des milliers de kilomètres l’un de l’autre.
Même si les évènements sont difficiles, je suis certaine que je n’arrêterais jamais de voyager. J’ai compris une chose à travers cette expérience, c’est que lorsqu’il nous arrive un évènement douloureux, il y a toujours les souvenirs pour nous aider. Dans mon cas, ce sont mes souvenirs de voyages. Aujourd’hui quand je me sens triste, je n’ai qu’à penser à ces moments entre les cinq continents. J’ai le bruit des vagues de Puna, l’odeur des soupes ramen du mont Fuji, les cris des enfants des écoles de Tokyo et les images du marché de Rotterdam en esprit. Ça ne ramène pas les morts, mais c’est ma thérapie.
Voyager c’est se créer des souvenirs pour demain, ce n’est pas moi qui le dis, mais c’est vrai. C’est plus fort que tout l’argent que je n’ai pas gagné cette année, de l’emploi que j’ai laissé et de l’insécurité qui m’attend. Je ne regrette pas un sou de ce que j’ai dépensé et je me demande encore pourquoi je ne l’ai pas fait avant.
Je suis certaine qu’à travers les nuages mon père continuera à me lire et moi à écrire en pensant en lui. Quand je traverserais à nouveau le ciel pour me rendre je ne sais où sur la planète, je penserais très fort à lui. Lui qui ironiquement a passé la moitié de sa vie à travailler dans les aéroports, lui qui m’a accompagné dans mes premiers voyages, lui qui me rassurait toujours quand j’avais peur de prendre l’avion.
À ceux qui se demandent encore s’ils doivent faire un tour du monde ou non, je vous dirais seulement qu’il ne faut pas trop se poser de questions. La vie est trop courte pour se trouver de mauvaises raisons ! Allez partez, mais conseil, prenez-vous de bonnes assurances, car tout peut arriver durant un tour du monde.