Le centre-ville de Hilo est certainement le meilleur endroit pour rencontrer les locaux. Ça se voit, ici tout le monde ici se connaît, s’envoie la main, se fait une belle petite accolade et s’arrête discuter pendant des heures (story-talk comme ils le disent). Quand tu as comme insigne sur ta plaque d’immatriculation un arc-en-ciel et que l’indice humidité monte à plus de 80%, chaque jour, n’est-ce pas normal de vouloir prendre son temps ? Je vous préviens, ici rien n’est à l’heure. Les ponctuels doivent se mordre la langue ou se résigner à admirer le paysage plus longtemps que prévu, c’est la loi d’Hawaii : Soit cool ou tait toi !
J’avoue que dans ce décor hippie digne des années peace and love, on détonne un peu Wesley et moi. Sac à dos immaculé, baskets de randonneurs au pied et crème solaire plein les poches. Ces indices ne peuvent nous trahir. Et je ne vous parlerais même pas de notre accent pourri (sur lequel on travaille, je vous assure). Même si j’arrive à prendre un peu de couleurs grâce au soleil, et que Wesley laisse pousser sa barbe, je sens biens dans leur regard qu’on fait partit du clan des méchants blancs qui viennent leur arracher un peu de leurs paradis.
Si certains vous le font sentir (dans le Helo Bus en particulier), il n’en demeure que beaucoup on la gentillesse gravée au coeur et qu’un sourire peu facilement nous faire oublier certains regards provocateurs. Je pense à cette vieille dame japonaise* croisée dans une rue samedi. Elle nous a fait l’un de ses plus beaux sourires, digne d’une publicité de dentifrice. Sans raison, juste par gentillesse…on a fondu en deux secondes, comme du beurre au soleil.
Les Hawaïens me font penser un peu aux Corses. Ils semblent éprouver des sentiments d’amour et de haine envers les touristes. Si beaucoup d’Hawaiiens font de nos désirs touristiques leur gagne-pain, plusieurs ont du mal à nous tolérer. Plausiblement, les moins bien nantis. Ceux qui n’ont malheureusement pas droit à leur part du gâteau et ne survivent qu’avec des miettes. Devrions-nous les blâmer ?
Dans le but de s’enrichir, certain ont sensiblement « Disneylanisé » les plus beaux coins de la région. On n’a qu’à penser à Kona, la partie ouest de l’île, qui possède les plus belles plages de sable blanc. On n’y voit que des vacanciers bedonnants, rouges comme des homards et des amas d’hôtels de luxe. Une overdose d’artificielle qui détruit assurément le paysage et croque sur les terres ancestrales. Une situation que les gens de Hilo cherchent apparemment à échapper.
D’ailleurs en ce moment, plusieurs Hawaïens bloquent l’ascension du Mont Mauna Kea en protestation contre l’installation d’un nouveau télescope. Un 18e de plus qui prendra place sur cet ancien volcan sacré par le peuple. Facile de prédire qui va gagner… C’est le combat du patrimoine contre la science…Contre de gros $ US.
Le tourisme est devenu la première industrie mondiale et emploie plus de 200 millions de travailleurs à travers le monde. C’est un secteur industriel incontournable et un levier économique stratégique pour plusieurs pays, surtout pour Hawaï. Toutefois les enjeux sociaux et environnementaux liés à cette exploitation peut-être facilement néfastes. Hawaï vise à devenir une destination touristique durable en 2025, peut-être pour Honolulu, mais j’ai l’impression que le Big Island, le message est passé plus loin… Ça reste à voir….Peut-être suis-je trop pessimiste.
En terminant, rassurez-vous, les Hawaïens sont très gentils et aucun ne va vous embêter ni vous faire du mal ! On est quand même aux États-Unis. Toutefois, on vous fera bien sentir à certains endroits que vous n’êtes pas tout à fait le bienvenu (absence de politesse, de sourire, etc.). Pour l’esprit d’une Québécoise, c’est parfois difficile)… Dans ces moments-là, je pense au sourire de notre petite dame japonaise et ça passe …
*Vous allez croiser sur la Big Island énormément de personnes à la physionomie japonaise. La raison est simple, en 1850, la population a eu besoin de main d’œuvre supplémentaire pour subvenir au besoin de la culture de la canne à sucre qui montait en flèche. Ainsi des Chinois, des Portugais, des Philippins et beaucoup de Japonais en quête de travail sont venus prêter main-forte. L’immigration a permis le fort multiculturalisme qu’on retrouve aujourd’hui sur l’Île.